C onnaissez-vous Daniel Lindenberg ? Pour moi, je ne le connaissais même pas de nom avant novembre 2002 et la parution du roman Le Rappel à l'ordre. Enquête sur les nouveaux réactionnaires. Roman ou pamphlet ou libelle ou essai, bref, de l'objet livresque en question. Mais la revue Esprit et Pierre Rosanvallon, je connais. Si j'ai des doutes sur les options politiques et sociales du périodique et du bonhomme, du moins la bêtise nesemble pas leur plat ordinaire. Je sais deux autres choses de la revue et de l'intellectuel : ils ne sont guère favorables à la fameuse et introuvable « pensée 68 » dont on nous rebat les oreilles depuis quelques années, et ont une vue ouverte de la démocratie. Or, paraît un livre « de dénonciation » écrit par un membre éminent d'Esprit et publié par Pierre Rosanvallon, qu'« on » dit — enfin, que les « dénoncés » disent — inspiré par la « pensée 68 » (le livre, bien sûr, et non Pierre Rosanvallon. Quoi que…) et, mais « on » n'est pas à un amalgame près, « stalinien », et avec une vue fermée, intolérante, de la démocratie. Tiens ?.. Il y a là quelque chose qui cloche. Mais quoi ? Et bien, je crois avoir une réponse. Une nouveauté guère nouvelle.Nouveaux, anciens… Disons simplement réactionnaires, bref, on n'aura pas attendu le livre de Lindenberg pour voir que — dans l'ordre où ils signent leur « manifeste » paru dans L'Express — MM. Finkielkraut, Gauchet, Manent, Muray, Taguieff, Trigano et Yonnet sont un peu, beaucoup ou passionnément réactionnaires. Nombre d'ouvrages ou articles parurent, mettant l'accent sur ce fait pour l'un ou l'autre. Mais ces sept-là, et quelques autres, sont d'excellents dialecticiens et sophistes — ce qui prouve que les deux choses ne sont pas incompatibles —, et en outre plusieurs, pour les nommer MM. Taguieff, Finkielkraut et Trigano, des polémistes n'hésitant pas à utiliser l'imprécation, l'invective, l'insinuation basse, et jamais à court d'une malhonnêteté intellectuelle. Tout cela fait que jusqu'à la parution de l'opuscule de D. Lindenberg, il n'était pas si facile de discuter leur profond tropisme vers la droite la plus à droite sans être extrême. Et bien, voilà : Daniel Lindenberg a étudié leurs ouvrages, et loin de faire ce que firent ses prédécesseurs, opposer la raison au délire, a écrit un ouvrage « à la manière de », en l'occurrence, celle de P.-A. Taguieff, Shmuel Trigano ou Alain Finkielkraut : amalgames, citations tronquées ou fausses, invectives, assimilation du discours de Pierre à celui de Paul, réinvention de la réalité pour les commodités de la « démonstration », etc. Ce libelle, comme l'appelle P.-A. Taguieff, ne déparerait pas des œuvres complètes dudit ou d'Alain Finkielkraut. Y compris pour le reproche qui lui est le plus couramment fait : mal écrit. Je ne sais si vous avez déjà lu un livre de Taguieff ou de Trigano, moi si : franchement, ça tombe des mains… Illisible, mal ficelé, entrelardé sans fin de citations, de références et de redites. De véritables pensums. Le pire étant qu'à la fin du livre on se rend compte que ça n'en dit pas plus que ce qu'en disent le titre et les deux ou trois premières pages. Pour exprimer les choses crûment, un livre de l'un des sept signataires du « manifeste » évoqué — du moins, de quatre parmi ces sept — est quelque chose comme un page « Rebonds » de Libération ou « Débats » du Monde étirée sur cent, deux cents, trois cents pages ou plus… “On” a une idée, et “on” va la décortiquer bien à fond. Et tant pis si 95% et plus du texte n'est que remplissage. Sinon, « l'idée » du livre de Daniel Lindenberg est simple à comprendre, même sans le lire : le titre, Le Rappel à l'ordre. Enquête sur les nouveaux réactionnaires, est le pendant de ce que sont toutes les ratiocinations desdits « nouveaux » réactionnaires, dont je présume que D. Lindenberg, tout comme moi, ne les trouve pas si « nouveaux », à savoir, cinq des sept signataires du « manifeste » utilisent le même concept opératoire, « la pensée 68 », et tout contradicteur est défini comme un thuriféraire de cette « pensée 68 » — c'est d'ailleurs ce qui se passe pour Daniel Lindenberg… Retirer les masques.« L'idée » de ce pamphlet est pour moi double : prouver qu'on peut pratiquer avec eux le même genre d'amalgames douteux que nos « nouveaux réactionnaires », et surtout, faire que chacun choisisse clairement son camp : pour ou contre la démocratie ; pour ou contre une société ouverte ; pour ou contre une approche sociale — et non pas normative et répressive — des questions sociales ; bref : réactionnaires ou progessistes ? Et bien, nos (pas si) « nouveaux » réactionnaires ont assez vite choisi, puisqu'ils ont privilégié comme tribunes, pour épancher leur bile, deux parangons du progès et de l'ouverture, Le Figaro et L'Express (qui n'est plus ce qu'il fut il y a quelques décennies…)[1]. Dans une interview accordée au Figaro, A. Finkielkraut dit : « Le retour tonitruant de la catégorie de “réac” signifie que la parenthèse antitotalitaire se ferme. De son aile radicale à son extrême centre, l'intelligentsia engagée militarise la vie de l'esprit. Il n'y a plus d'œuvre singulière, il y a deux camps — l'humanité et ses ennemis ». Sur quoi base-t-il cette généralisation ? Sur le livre de Lindenberg et sur un article paru dans Le Monde diplomatique : amalgames, généralisations hâtives, invectives, simplifications, insinuations, en un bref paragraphe on a toute la rhétorique habituelle, paranoïaque et réactionnaire, de Finkielkraut. De quel « retour tonitruant » parle-t-il ? Un livre et un article qui effectivement considèrent qu'il y a des « nouveaux réactionnaires » ; une quarantaine d'articles dans la presse, une petite moitié faite de comptes-rendus de la « polémique », une grosse moitié de tribunes ou interviews des « nouveaux réactionnaires », et voilà. Si on y regarde d'un peu près, on s'aperçoit que, loin que « l'intelligentsia engagée militarise la vie de l'esprit », bien plutôt les « nouveaux réactionnaires » phagocytent les tribunes que leurs ouvrent les journaux, et y répètent de nouveau leurs fantasmes, et leur haine de ce qui modifie un tant soit peu leur petit confort intellectuel. Contrairement à ce que tentent de nous faire croire nos « nouveaux », il y a en effet, de leur côté, une réelle convergence de vue, alors que « de l'autre bord », celui allant « de son aile radicale à son extrême centre » (sic), il y a débats, controverses, oppositions, points de vue divers. Remarquez, c'est logique : ceux qui regardent vers l'avenir ont chacun leur manière de l'envisager, ceux qui regardent vers le passé convergent tous vers le même point. Toujours dans Le Figaro, P.-A. Taguieff écrit une tribune libre instructive, qui confirme tout le mal qu'on peut penser de lui. Il y est vraiment très bas, par exemple, dès les débuts de son libelle (ici, le mot s'applique), il décide de « simplifier » son supposé contradicteur : « selon Daniel Lindenberg (disons, L.) […] ». On voit l'élégance du procédé, mon « dénonciateur » est tellement infime qu'on peut le résumer à presque rien… Surtout, ça a une vertu imprécatoire, par la suite : « Mais l'inquisiteur se double d'un visionnaire : la soixantaine venue, le “conseiller” L. est saisi par une horrifique vision » ; « Le “conseiller” L. ne prend pas la peine de discuter les thèses de penseurs tels que […] » ; « Pour l'inquisiteur L., critiquer le fonctionnement observable de la démocratie libérale (en France ou ailleurs) est comme tel un critère de “pensée réactionnaire” » ; « l'extravagant L. dont l'engagement propalestinien n'est plus un secret pour personne […] » ; etc. On voit l'effet recherché, mais ce n'est qu'effet, de même que sont effets les épithètes : conseiller entre guillemets pour à la fois minimiser et ridiculiser son rôle au sein de la revue Esprit, mais en même temps pour induire quelque chose (« conseiller », mais en quoi, comment ? Conseiller occulte ?..) ; bien sûr, conseiller entre guillemets doublé d'inquisiteur sans guillemets, « ça fait sens »… Sinon, dans le même segment, T. — disons Taguieff — parvient à la fois à nous prouver qu'il est réactionnaire et prodigue en insinuations basses : en écrivant « l'extravagant L. dont l'engagement propalestinien n'est plus un secret pour personne », il indique que « propalestinien », ça n'est pas bien, hein !, ce qui est typique, je crois, comme position idéologique, et surtout, en fait un argument de disqualification. Je trouve cela très intéressant, dans un but classificatoire. Incidemment, oui, « critiquer le fonctionnement observable de la démocratie libérale » peut être « comme tel un critère de “pensée réactionnaire” », si ça s'éclaire d'autres propos et s'accompagne de traits curieux, comme la dénonciation systématique de « l'idéologie du progrès » — tel que le fait T. Last but not least, le « Manifeste pour une pensée libre » des sept auteurs les plus visés, croient-ils[2] — pensée si « libre » qu'ils se mettent à sept pour communier dans la « liberté ». Je ne résiste pas au plaisir de vous citer un peu de la présentation, due à un certain Éric Conan (un barbare ?) : Le savoir-faire de ce genre de fichier (amalgame, erreurs de dates et de citations) ne retiendrait guère l'attention s'il n'était le symptôme d'un refus de débattre niché au cœur d'institutions de la pensée : éditée par un professeur au Collège de France, cette liste est dressée par un universitaire, animateur d'une revue - Esprit - qui, fatiguée d'être suspectée pour son trajet dans les années 1930 et 1940, semble avoir trouvé là son ticket d'entrée dans le club des épurateurs. Amalgames, erreurs de faits, insinuations, invectives, on n'en sortira pas : les « dénoncés »… dénoncent les « dénonciateurs ». Vous avez vu comme moi que C. — faisons simple — évoque complaisamment le « trajet [de la revue Esprit] dans les années 1930 et 1940 » ; on comprend à demi-mots ce que cela veut dire. Et bien, dans le paragraphe précédent, C. écrit : « Quand elle entend “réel”, la police de la pensée sort son “Maurras!”. Et le très usé “retour des années 30”. C'est aussi gros - et bête - que ça. » Intéressant. Mais, que reprochent nos (peu) « nouveaux » réactionnaires à leurs supposés adversaires ? de les attaquer, ou de piquer leur fonds de commerce ? Et quoi ! si tout le monde se met à faire des amalgames, des erreurs de dates et de citations, à user du très usé « retour des années 30 », où allons-nous ? Que restera-t-il aux Taguieff, aux Trigano et autres Conan ? Est-ce aussi bête que ça ? En tout cas, c'est aussi gros : le même Conan nous explique que « L'Express donne aujourd'hui la parole aux accusés, non pour répondre à un procédé qui ne sollicite d'ailleurs aucun débat, mais pour récuser l'intimidation des censeurs et défendre, pour tous, la liberté de penser ». Voilà : vous êtes libre de penser, sauf si vous ne pensez pas ce que nous pensons. La polémique lancée ne méritant pas débat, pourquoi y répondre ? Je crois deviner : pour faire un « genre de fichier [avec] amalgame, erreurs de dates et de citations », et faute d'utiliser « le très usé “retour des années 30” », j'ai comme le sentiment qu'on aura droit à la très usée « pensée 68 ». Voyons ça. J'étais malhonnête : il n'est fait mention qu'une fois de 68, pour dénoncer « la promotion soixante-huitarde de la jeunesse au rang de valeur suprême » (où vont-ils chercher tout ça ?) ; par contre et continûment, les supposés adversaires de nos sept penseurs (j'y reviens, il y a en tout et pour tout un livre et un article, neammoins c'est à tout un groupe que s'adressent nos auteurs. Quel groupe ? Question non résolue) sont désignés comme staliniens. Bien visible dans le « manifeste », on a ça :
C'est en gros (cas de le dire) la tonalité générale : on veut nous flinguer ! Leurs supposés adversaires, parmi lesquels le dangereux gauchiste Pierre Rosanvallon, on suppose, sont staliniens et fascistes. Comment dire autrement : ces gens-là sont paranoïaques ; personne ne les menace, ils ont toute latitude pour s'exprimer dans les médias (le jour où Le Monde a parlé du livre de Daniel Lindenberg, une pleine page plutôt favorable était consacrée à Marcel Gauchet, et en outre le compte-rendu du livre de L. était assez défavorable). Dans ce numéro du Monde le but de Daniel Lindenberg est clair : il veut s'attaquer à « ceux qui tiennent un double discours ». Par le fait, la lecture des trois textes évoqués démontre que son entreprise a très bien réussi : les vrais réactionnaires stipulés dans son ouvrage… ont réagi. Et de quelle manière ? En réactionnaires, bien sûr, c'est-à-dire en pratiquant ce qu'Éric Conan de L'Express attribue aux réputés contempteurs de « la liberté de penser » : ils font des amalgames, pratiquent l'art de la citation tronquée ou détournée, et tout ce que déjà dit, et même, ils mobilisent le « très usé “retour des années 30” », dans leur cas pour « dénoncer » une sorte de purge stalinienne. C'est aussi gros — et bête — que ça. Une opération réussie.Quel serait le but de Daniel Lindenberg et de ceux ayant participé, dans la mouvance de Pierre Rosanvallon, à ce qu'on pourrait appeler « l'opération “Nouveaux Réactionnaires” » ? La lecture de ce qui précède vous aura fait entrevoir ma conclusion : dans les semaines et les mois à venir, quand les sept « manifestants » produiront articles ou livres où — à leur habitude — ils pratiqueront ce qu'ils reprochent à Daniel Lindenberg pour Rappel à l'ordre[3], et bien, on leur ressortira leurs diatribes de la « polémique », pour l'appliquer à eux, en mettant bien en évidence notamment les trois choses dont ils usent le plus : amalgames, citations biaisées et attribution non démontrée d'un présupposé idéologique (stalinisme, gauchisme ou « pensée 68 »). Ça ne les empêchera pas de continuer à être malhonnêtes et réactionnaires, mais au moins, comme le dit Daniel Lindenberg, ça permettra de discerner clairement « ceux qui tiennent un double discours », qui prétendent être des esprits libres amis de la liberté de penser, mais jettent l'anathème sur qui ne pense pas comme eux. Incidemment, quand P.-A. Taguieff et A. Finkielkraut (disons Dupond et Dupont) font le reproche à Daniel Lindenberg de n'avoir pas joint Paul Thibaud, ancien directeur de la revue Esprit, à sa diatribe, ils font tous les deux la même erreur : Certes, la pensée de Paul Thibaud ne fleure pas le progressisme échevelé, pour le moins, mais d'une part, il ne passe pas la moitié de sa vie publique à vilipender ceux qui ne pensent pas comme lui, de l'autre, sa critique est d'une autre tenue que celle de Dupond et Dupont, elle est circonstanciée et argumentée et non ad hominem. Et surtout, il ne tient pas un double discours. Bref, « Opération “Nouveaux Réactionnaires” » réussie, on sait désormais clairement où se rangent nos sept manifestants : du côté de la réaction assumée, du côté de L'Express, du côté du Figaro, du côté de l'invective et de l'intolérance. Je ne peux que vous renvoyer aux textes en annexe pour vérifier que chez nos amis de la liberté de penser, la pensée vole bas… Pour conclure ma conclusion, un commentaire sur ce passage du « Manifeste pour une pensée libre » : « Cette dénonciation ignominieuse, menée avec des moyens qui rappellent les plus beaux jours du stalinisme, s'est accompagnée d'une surprise : nous retrouver ainsi réunis par le même acte d'accusation. Nous nous pensions en effet différents, par nos approches, nos conclusions, et, entre nous, les débats, contradictions, polémiques et oppositions ne manquent pas. » Et bien, nous pourrions leur concéder la chose, n'étaient deux points : l'existence de ce « Manifeste », qui prouve de la manière la plus simple que par-delà l'apparence des différences d'approche, il y a bien convergence de vues, suffisante en tout cas pour que ces sept-là se sentent collectivement tenus de répondre ; le fait, parallèle à la supposée « dénonciation » de Daniel Lindenberg, de l'effective dénonciation de nos « penseurs libres » (ne pas confondre avec libres penseurs…) d'un quelconque « complot stalinien », indiscernable pour tout autre qu'eux, qui les viserait. Le mur de Berlin est tombé en 1989 mais nos « penseurs libres » continuent de penser avec les catégories de l'époque, or, si l'on peut usurper la dépouille du démocrate lorsqu'on lutte contre le stalinisme réel, ça devient plus équivoque devant un stalinisme fantasmé… Enfin, une toute dernière chose : si réellement le livre de Daniel Lindenberg est, sur le fond comme sur la forme, le torchon insane et incohérent qu'on nous dit, s'il s'agit vraiment d'« un procédé qui ne sollicite […] aucun débat », enfin, si nos « manifestants » ne se sentaient vraiment pas concernés par cet « acte d'accusation », alors, pourquoi y répondre à longueur de tribunes et d'interviews ? Et surtout, pourquoi y répondre avec les méthodes mêmes reprochées à D. Lindenberg ? Que dire ? On ne répond à l'insulte que par le mépris : y répondre par l'insulte, c'est prouver qu'on est « au niveau de son adversaire », et dans le même mouvement confirmer ses assertions. Vous avez lu des interventions d'Alain Besançon ? Non. Il ne se sent pas blessé — on le dit, seule la vérité blesse… Addendum. Un de mes correspondants m'a fait reproche de terminer ce texte par la formule éculée « seule la vérité blesse », et il n'a pas tout-à-fait tort, mais dans ce cas j'en usais de manière ironique : autant que je puisse le comprendre les sept réacs critiqués ici ne m'ont pas paru particulièrement blessés, mais plutôt scandalisés qu'on puisse en user avec eux comme ils en usent avec d'autres (cf. le passage du à Éric Conan mais qu'auraient pu signer Taguieff ou Finkielkraut – on trouve d'ailleurs quelque chose de semblable dans son interview publiée par Le Figaro – où, après avoir fustigé « le très usé “retour des années 30” », il parle de la revue Esprit qui, « fatiguée d'être suspectée pour son trajet dans les années 1930 et 1940, semble avoir trouvé là son ticket d'entrée dans le club des épurateurs » – vous m'aurez compris…). Mon correspondant m'écrivit : « Je suis contrarié par votre dernière phrase : "Vous avez lu des interventions d'Alain Besançon ? Non. Il ne se sent pas blessé – on le dit, seule la vérité blesse…" On le dit beaucoup en effet, mais… Diriez-vous que la calomnie ne blesse pas ? ». Ce à quoi je répondis ceci, parmi d'autres considérations : « Je ne dirai pas que la calomnie ne blesse pas, mais je maintiens que la vérité blesse. Et que quand on n'est pas fier de cette vérité, on en vient à écrire des choses désagréables ». Dans sa réponse à ma réponse il évoqua Finkielkraut et ses récentes déclarations dans Haaretz en ces termes : « "Un personnage odieux, antipathique, grotesque, auquel je n'aurais pas envie de serrer la main". Croyant naïvement qu'il ne serait pas lu en France, Finkielkraut s'est lâché et nous a montré son vrai visage, un "personnage odieux, antipathique", auquel moi non plus, je n'aurais pas envie de serrer la main. D'ordinaire, il se surveille et ne dit sa pensée qu'à demi-mots. Que lui-même soit révolté par son propre discours, montre qu'il regrette d'avoir quitté pour une heure, le manteau d'hypocrisie qui feutre habituellement ses ruminations de courtisan sénile et discrètement paranoïaque ». Et sur Pierre-André T., ceci : « Je n'ai pas plus de sympathie pour Taguieff que je trouve fielleux et aussi malhonnête intellectuellement que Finkielkraut. Que ces gens soient des réactionnaires, j'en suis convaincu depuis de nombreuses années ». Moi aussi. Je ne suis pas tout-à-fait d'accord avec mon correspondant : Finkielkraut ne me semble pas atteint de sénilité précoce (hélas, dirais-je) et sa paranoïa ne me semble guère discrète, ni ses obsessions compulsives à propos des jeuneux, de « la pensée 68 » et des valeurs qui fichent le camp, mais où allons-nous mon bon monsieur ? Leur faudrait une bonne guerre scrongneugneu ! Peut-être aurais-je du écrire : la calomnie blesse, mais la vérité aussi, parfois. [1] Vous trouverez ici une interview d'Alain Finkielkraut et un pamphlet de Pierre-André Taguieff parus dans Le figaro, ainsi
que le « Manifeste pour une pensée libre » publié par L'express, ainsi que
plusieurs textes de divers périodiques en annexe.
|